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Razzia sur les allocs des pauvres ? (569)

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avocats006_17_1La proposition de loi votée au Sénat le 27 mars 2013 transférant automatiquement au conseil général les allocations familiales et de rentrée scolaire destinées aux familles dont les enfants sont  accueillis pour ne pas dire « placés » dans les services l’ASE, arrive à l’Assemblée nationale.  

Ce vote obtenu au final contre l’avis du gouvernement, mais avec l’aval de certains sénateurs PS avait suscité à l’époque de vives critiques de plusieurs associations, dont ATD-Quart Monde et des professionnels de l’action sociale malgré les amendements retenus en séance. Le texte reste très préoccupant et doit être rejeté.

On peut rappeler qu’en 2010, sur l’année, 291 337 enfants ont bénéficié de l’aide sociale à l’enfance (ASE), dont la moitié (146 180) a été accueillis directement par les services de placés sous l’autorité du président du conseil général ou encore par les associations habilitées  à cet effet. (1)

Si les parents peuvent signer avec l’ASE un contrat d’accueil pour leur enfant,  la grande majorité (75%) l’a été sur décision de justice.

Sauf quelques rares cas où le tribunal a ordonné un retrait de l’autorité parentale anciennement dénommée déchéance, les parents dont l’enfant est accueilli par l’ASE ou une structure habilitée restent titulaires de l’autorité parentale.

Il faut surtout rectifier  une image erronée qui voudrait que les enfants accueillis par l’ASE : dans leur immense majorité ces enfants accueillis ne sont pas battus ou maltraités, mais victimes de conditions de vie dégradées : familles éclatées pour ne pas dire disloquées, maladie y compris mentale, précarité ou pauvreté – où est la poule, où est l’œuf ? -, parents absents, etc. On parle d'enfants en danger plus que d'enfants maltraités.

Fréquemment ces enfants, grâce au travail de l’ASE et des tribunaux, conservent une relation a minima avec leurs parents, frères et sœurs, grands-parents etc. ou retrouvent leur place chez eux.

J’ajoute que tous les membres de la fratrie ne sont pas concernés par les mêmes mesures : il faut accueillir certains quand d’autres restent à la maison suivis par l es services sociaux.

Pour les enfants accueillis, les conseils généraux assurent sur leur budget ou à travers un prix de journée versé aux associations au quotidien  en lieu et place de leurs parents l’ensemble des frais liés à l’exercice à leur prise en charge, à leurs soins et à leur éducation.

Les allocations familiales ouverts du chef des enfants peuvent être versés  sur ordre du juge à l‘ASE comme le juge peut faire le choix de les laisser aux parents dans la mesure où ils exercent leurs responsabilités par-delà l’accueil de leur enfant par exemple en les recevant, en les visitant pu tout simplement en étant en relation régulière avec eux. Il peut aussi décider de faire verser ces allocations familiales à la  personne morale qui a en charge les enfants comme de condamner les parents à verser une pension mensuelle pour contribuer à ces frais d’éducation.

De fait 43%, indépendamment des contributions financières, symboliques ou plus conséquentes,  demandées aux parents qui en ont les moyens, des allocations familiales sont déjà versées à l’Aide sociale à l‘enfance.

CouvLivreDalozDans un moment où les budgets sociaux sont tendus, la proposition de loi avancée par les sénateurs UMP Catherine Deroche et Christophe Béchu prévoit ainsi de transférer automatiquement le bénéfice des allocations familiales et de l’allocation de rentrée scolaire au service d’ASE pour les enfants placés « à ceux qui assurent l’entretien effectif des enfants en appliquant le principe “absence de charges, absence de ressources” «  dixit les deux sénateurs de l’opposition.

Les initiateurs de la proposition de loi, n’hésitent pas à jouer sur la corde sensible quitte à forcer le trait en affirmant que « Force (…) est de constater que le principe est devenu l’exception dans la pratique, alors même que la grande majorité de ces enfants est retirée à leurs parents pour des raisons de maltraitance et de négligence grave ». Et d’appeler à résoudre « un problème de justice et d’équité entre les familles, de moralisation de nos dispositifs d’aide sociale ainsi que de meilleures utilisations des fonds publics ». On n’en est pas à affirmer que certains parents se déchargent sur l’ASE pour nourrir et élever leurs enfants, mais c’est tout comme.

Désormais, le juge ne pourrait plus décider que du maintien partiel des allocations familiales, à hauteur de 35 % maximum de leur montant. L’allocation de rentrée scolaire serait, elle, automatiquement transférée au service d’aide à l’enfance.

Un amendement, du sénateur Yves Daudigny président du conseil général de l’Aisne a été adopté qui prévoit toutefois une période transitoire de trois mois entre la décision de placement et la décision sur les allocations familiales, « afin d’éviter un choc, d’autant que l’enfant peut dans ce délai retourner dans sa famille ».

 Malgré l’opposition de la ministre de la Famille, Dominique Bertinotti, craignant une « stigmatisation » des familles dont les enfants sont placés, le texte a été adopté par 330 voix contre 16, seul le groupe écologiste et quatre socialistes ayant voté contre, ce qui veut dire que la plupart des socialistes ont voté pour.

Claudy Lebreton, président PS du conseil général des Côtes d’Armor et président de l’ADF s’est réjoui de l’adoption d’un texte « qui corrige une anomalie : « Il ne s’agit évidemment pas, pour les départements de stigmatiser des familles vulnérables, mais plutôt de revenir à davantage d’équité, en permettant aux départements d’assumer au mieux leurs responsabilités en matière sociale et de solidarité ».

avocat_jeuneLes professionnels de l’enfance et les associations ne partagent pas un instant ce point de vue.

Celles-ci s’inquiètent d’une disposition qui risque de mettre en péril le retour des enfants confiés aux services de l’aide à l’enfance ». (2)

Pour ATD-Quart-Monde « Confisquer les allocations, c’est fragiliser la famille : confisquer leur statut aux parents, compromettre parfois le paiement du loyer, le transport pour leur rendre visite, la possibilité de nourrir leurs enfants quand ils les reçoivent le week-end, le maintien du lien par l’achat du cartable à la rentrée, etc. En effet, une grande partie des enfants placés vient de familles en grande précarité économique «.

Tout simplement c’est négliger l‘importance pour les parents, mais aussi pour les enfants que les parents soient mobilisés pour la rentrée scolaire, fassent les achats ensemble quand les occasions sont rares pour un enfant placé d’être dans des temps forts avec sa famille. Comment pratiqueront-ils demain ? Avec l’Union nationale des associations familiales (UNAF), ATD préconise « le maintien d’une étude des situations au cas par cas par les travailleurs sociaux et que le juge reste seul compétent pour décider du retrait des allocations aux familles ».

De fait pour quelques euros de plus, les parlementaires, généralement présidents de conseils généraux,  prennent le risque de rigidifier un dispositif qui, au contraire, a besoin de souplesse pour fonctionner en permettant un indispensable sur-mesure. Comme le rappellent les associations le versement des allocations familiales pour deux enfants d’une même famille représenterait 1524 euros l’an alors que le «  placement » d’un enfant, selon qu’il est familial ou collectif, coûte en moyenne entre 34 et 64 000 euros (3).

Il n’est pas inutile de rappeler que l’ensemble de la protection de l’enfance représente un budget de quelques 7 milliards d’euros ; ce ne sont donc quelques dizaines de millions au plus que cette disposition permettrait de récupérer tous conseils généraux confondus, mais avec quels dégâts en perspective !

N’oublions pas que les familles prises en charge par l’ASE à travers leurs enfants sont parmi les plus précaires et les plus fragiles de France.

En son temps j’ai eu l’occasion de dénoncer cette disposition en argumentant mon opinion. (Post 524 du 7 avril 2013 « Le Sénat des collectivités locales grappille quelques euros aux pauvres»). Je ne réargumenrterai pas ici aujourd’hui. Je me contenterai d’une question politique : Pourquoi une nouvelle fois priver les juges des enfants d’apprécier au cas par cas liberté : la droite l’a initié en matière pénale, la gauche poursuivrait en matière civile ? La justice des enfants relève-t elle une nouvelle fois de cette défiance des élus.

L’Assemblée nationale se doit demain de rejeter ce texte et tout simplement de l’enterrer.

L’Assemblée nationale se doit demain de rejeter ce texte et tout simplement de l’enterrer.

Osera-t-elle le faire elle ? Rien n‘est moins sûr même si l’on peut penser que le gouvernement à travers Laurence Rossignol, nouvelle ministre de la famille, s’y opposera à nouveau avec une majorité plus solide et surtout plus nationale que territoriale. D'ores et déjà la Commission des affaires sociales de l'Assemblée a rejeté le texte.

Dans la conjoncture politique il ne faut pourtant jurer de rien et ce d’autant plus que nombre de députés sont aussi comme au Sénat des élus locaux et que la fibre sociale semble aujourd’hui singulièrement émoussée. Ne parlons pas de la réflexion sur la protection de l’enfance quand l’Assemblée vient de refuser lors de l’examen de la loi pénale l’amendement FG–Ecologie-les Verts qui demandait la suppression des Tribunaux correctionnel pour mineurs sur laquelle pourtant le président de la République et la ministre de la justice s’étaient engagés. (Voir mon blog 567)

Ici, comme sur la justice pénale, on peut craindre un discours simplificateur, sinon simpliste laissant à penser comme les conservateurs l’avancent régulièrement  que les pauvres se font de l’argent sur les enfants avec en arrière-fond une approche à courte vue du souci des budgets. A 200 ou 300 euros par jour de prise en charge en foyer on y perdra de maintenir un placement parce qu’une famille aura perdu son logement !

Une nouvelle fois « Salauds de pauvres !» comme dirait Coluche. 

(1(1°)   A un moment T 110 000 enfants sont accueillis

(2(2)  Apprentis d’Auteuil, ATD-Quart Monde, DEI-France, Secours catholique, SNMPMI, ANAS, Communiqué du 3 juin 2014

(3(3)   Rapport du groupe de travail « Familles vulnérables, enfance et réussite éducative » préparatoire à la conférence contre la pauvreté, 2012


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